Communiqué – Pandémie de Coronavirus : Où sont passés les scientifiques et les hommes politiques africains ?


Au cours d’une séquence diffusée mercredi 1er avril après-midi sur la chaîne LCI, M. Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm à Lille, était interrogé sur des recherches menées autour du vaccin BCG contre le covid-19. Invité en plateau, M. Jean-Paul Mira, chef de service de médecine intensive et réanimation à l’hôpital Cochin à Paris, lui a alors demandé : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs sur certaines études avec le sida, ou chez les prostituées : on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées. Qu’est-ce que vous en pensez ? » Le chercheur lui a répondu : « Vous avez raison ».


« Ce qui est fait pour nous sans nous est contre nous »
Cet échange qui s’est tenu, sans interruption, sur LCI entre un chercheur et un médecin n’est pas anodin. Il met en lumière une certaine forme de paternalisme et de racisme structurel des pays du Nord envers les pays du Sud. En aucun moment au cours de cet échange n’a été évoqué l’implication sur le plan scientifique et politique des Africain.e.s dans ce projet.
Par conséquent, Afrique Avenir manifeste son indignation et appelle à ce que des mesures concrètes soient prises notamment par les chaînes publiques et le CSA, afin que ces prises de paroles discriminatoires soient condamnées et n’aient plus leur place dans l’espace médiatique.


Les Etats africains doivent mettre en place et renforcer des organismes compétents et indépendants qui contrôlent tous les essais en toute transparence

En tant qu’association panafricaine militante qui lutte pour l’accès aux droits et à la santé, Afrique Avenir réaffirme avec force la nécessité d’impliquer le continent dans les recherches biomédicales sur la maladie Covid-19. Il ne s’agit pas de se servir des Africain.e.s comme cobayes mais d’impliquer localement à la fois des chercheurs, des politiques et la société civile dans son ensemble pour répondre à l’urgence sanitaire à laquelle nous faisons face mondialement et qui pourrait avoir un impact catastrophique dans plusieurs pays d’Afrique. Ce
travail collaboratif doit répondre à des exigences légales et éthiques strictes telles qu’énoncées
dans la déclaration d’Helsinki et ses amendements ultérieurs1.
« Ce terreau favorise le contournement des principes éthiques. C’est ainsi que, lors de l’essai
clinique du Trovan ®, ni les autorités nigérianes ni le comité d’éthique n’ont été consultés, du
moins formellement, sur l’information donnée aux familles et l’obtention de leur
consentement. De même, les tests de l’antiviral Tenofovir ® auprès de 400 prostituées
camerounaises, de juillet 2004 à janvier 2005, ne répondaient pas aux exigences éthiques.
Cette molécule réduit la transmission du VIS, l’équivalent du VIH, chez le singe. Le fabricant,
souhaitant vérifier cette propriété chez l’être humain, a choisi une population à risques, les
prostituées de pays à forte prévalence de VIH, en raison de la probabilité élevée chez ces
dernières de contracter le virus2. »


Attention aux fausses informations et discours improductifs


Toute la polémique qu’il y a eu autour de ces déclarations ne doivent pas créer la méfiance et
mettre en cause l’efficacité des vaccins qui ont fait leur preuve dans la lutte contre les maladies
et continuent à sauver des vies dans le monde et la pertinence de la recherche scientifique
comme moteur du progrès.
Pour l’inclusion de l’Afrique dans des avancées médicales d’envergures
Les questions scientifiques dépassent largement le cadre d’un pays et imposent que les Etats
unissent leur force. L’Afrique doit renforcer son positionnement.
Le délabrement des infrastructures sanitaires dans la plupart des pays africains fait craindre
une catastrophe sanitaire si l’épidémie venait à poursuivre sa trajectoire actuelle, comme le
souligne le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, qui appelle l’Afrique
« à se préparer au pire ». Dans le cadre de la préparation de la riposte au virus Sars-CoV2, la
surveillance et la détection des cas de Covid-19 constitue un élément clé pour la préparation
de la riposte. L’Afd et l’Inserm mettent en oeuvre un dispositif de soutien de 1,5 million d’euros
qui s’inscrit dans cette réponse et vise à renforcer le dispositif de surveillance, d’alerte précoce,
de confirmation et de prise en charge des cas de Covid-19 dans 5 pays d’Afrique : le Burkina-
Faso, la Côte-d’Ivoire, le Gabon, le Mali et le Sénégal.
Nous attendons l’apport des Africain.e.s avant la mise en oeuvre de ce projet.


« Après le coronavirus, une autre Afrique est possible et ce n’est pas une utopie.»3


Cette crise sanitaire, aussi dramatique soit-elle, est aussi une opportunité de résilience
mondiale, et une incitation à la créativité afin de « co-construire » une Hummanité plus juste
et plus égalitaire.
Afrique Avenir appelle donc chaque personne à prendre part à la lutte contre la propagation
du virus en respectant les gestes barrières, en faisant preuve de solidarité envers les plus
vulnérables, et en stoppant la diffusion de fausses informations – notamment sur les réseaux
sociaux.
Afrique Avenir appelle aussi tous les chefs d’Etats et tous les responsables et autorités
sanitaires à prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des populations, et à agir
en posant les jalons d’une solide coopération internationale tout en renforçant les capacités du
Conseil africain de la recherche scientifique et l’innovation (CARSI).


Contact Presse :
Romain Mbiribindi,
Directeur général
Romain.mbiribindi@afriqueavenir.fr

Notes :
1 Ces textes ont pour objectif d’assurer une protection renforcée des personnes se prêtant à la recherche, « l’intérêt des personnes
qui se prêtent à une recherche biomédicale primant toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société » et d’organiser
un encadrement continu de l’essai.
2 Jean-Philippe Chippaux, « L’Afrique, cobaye de Big Pharma », in Le Monde diplomatique, juin 2005, p.14
3 Kako Nubukpo


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